Kairon 2100 - Conte de Noël 2024
On en parlait depuis longtemps et cela d’après les experts, pour un horizon lointain, en 2100, 2150 peut-être. Les maîtres du génie climatique dessinaient régulièrement le trait de côte sur leurs cartes prévisionnelles.
Leurs prévisions, pourtant dérangeantes pour beaucoup, s’avéraient trop prudentes et il fallait bien convenir face aux évènements observables en bord de mer d’une accélération rapide du réchauffement climatique et de ses conséquences.
L’élévation du niveau de la mer venait de dépasser un mètre au cours de la décennie.
A chaque grande marée les estuaires côtiers s’élargissaient, les étangs marins réapparaissaient avec force et le cordon dunaire se reconstituait faisant fi des routes goudronnées et des enrochements du littoral.
Les propriétaires des maisons du front de mer réclamaient “à cor et à cri” des travaux de fortification contre la mer.
Mais les caisses étaient vides et le temps n’était plus à la construction de murailles de chine ou de remparts à la Vauban comme à Saint Malo ou à Granville.
La dune reprenait ses formes originelles, celles d’avant la naissance de Jullouville et de l’urbanisation touristique du bord de mer.
Elle se renforçait et sa taille approchait celle de la dune du Pilat.
Les maisons construites sur le sable basculaient dans le Thar petit ruisseau devenu fleuve.
Si les réfugiés climatiques les plus fortunés allèrent se loger dans les tours réfrigérées géantes à Dubaï, les citoyens “ordinaires” furent accueillis sur les hauteurs de Kairon bourg dans de petits lotissements de cabines de plages récupérées, posées à l’abri des flots.
Kairon plage était devenu une ile uniquement accessible aux grandes marées basses par le pont bleu qui était complètement immergé habituellement.
Port La Foliote avait été aménagé dans l’urgence pour accueillir les activités nautiques et le parking du cimetière fut agrandi pour accueillir plaisanciers et pêcheurs.
Une cale aménagée chemin du petit Verchu permettait un accès direct à la plage nouvelle et de Beausoleil.
Chemin de Verchu, près de la montagne de Kairon, où se trouve toujours la table d’orientation, un groupe d’irréductibles écolo-hédonistes franco-basques et bigoudens avaient créé la commune libre du Haut Verchu.
Cette communauté autonome, autosuffisante et autogérée, s’émancipait du contrôle des collectivités locales dont les projets d'aménagement tombaient à l'eau les uns après les autres.
Ils avaient construit leur petit village en forme de Triskel à partir de maisons de Hobbit solaires, semi-enterrées, entourées de jardins potagers, de basses-cours, d’écuries et d’étables.
Au cœur du village une Yourte mongole servait de salle commune et d’école.
Depuis la démilitarisation générale, la possession d’armes et la chasse étaient interdites.
Mais la pêche non-motorisée était autorisée. Il était donc possible de pêcher à pied, avec des cannes et des lancers ou en plongée sous-marine.
Cependant, seules les espèces invasives (poulpe des abysses, crevette de Madagascar, poisson licorne de Maurice) pouvaient être pêchées sans restriction.
Le homard bleu de Chausey était devenu une espèce protégée, comme la langouste d’ailleurs...Protégés on pouvait les voir grossir et repeupler les vieilles pêcheries au large du Thar. La pêcherie du commandant Liébard notamment.
Mais les braconniers sévissaient toujours et exportaient leurs prises vers Dubaï où ils avaient gardé leurs anciens clients.
C’est dans cet environnement façonné par le rythme des marées que vivait le petit père Noël.
Il n'était pas malheureux au village du Haut Verchu. Il élevait des moutons, des poules et des chevaux, cultivait son potager.
Il pêchait aussi lorsque l’occasion se présentait. Il était particulièrement habile pour collecter des palourdes géantes du pacifique et les cuisiner ” alle vengole”.
Par ailleurs, spécialiste d’intelligence artificielle, il exerçait la profession de décodeur d’infox. Il concevait des logiciels très recherchés et contribuait ainsi à la guerre informatique pour la vérité vraie.
Petit père Noël alimentait aussi “l'Auberge espagnole" de Kairon bourg (la maison des Penlieb face à l’église) en produits frais.
L’Auberge était devenue le lieu de halte des nombreux pèlerins illuminés qui marchaient vers le Mont St Michel en chantant des cantiques.
L’ambiance y était festive et chaleureuse au coin du feu en ce jour de Noël.
Petit père Noël serait bien resté réveillonner avec les pèlerins et les réfugiés climatiques de Kairon mais Il était préoccupé car sa jument Joyeuse allait mettre bas.
Ce n’était pas la première fois et la jument était bien entourée par ses proches.
Mais en ce jour de Noël, il neigeait sur le Haut Verchu et il ne fallait pas que le poulain prenne froid.
Il se dépêcha de rentrer chez les siens.
Tout couvert de neige et dans le vent, qui tournait de l’ouest au sud, il distinguait de la lumière dans la crèche, il se passait quelque chose à cette heure tardive.
Il pénétra doucement dans la crèche, enleva la neige qui couvrait son visage.
Il eut alors une vision biblique : sur la paille chaude et dorée, entre le bœuf et l'âne, un joli poulain à la robe argentée relevait la tête. Il titubait en se mettant sur ses quatre pattes.
Il tremblait encore lorsque Joyeuse faisait sa toilette à grand coup de langue, mais il trouva très vite les mamelles chaudes de sa mère et son lait nourrissant et protecteur.
“Toi petit Fjord, né le jour de Noël, tu t'appelleras JJ, Jésus Joyeux” déclara Petit père Noël en éclatant de rire.
Joyeux Noël les Joyeux et les Noël!
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