EXPERIENCES TERRITORIALES ET PARTICIPATION
L’objet de cet article est d’interroger
une catégorie de l’action publique qui s’impose avec vigueur depuis deux décennies,
notamment sur le terrain des villes et plus particulièrement sur celui des
quartiers de grands ensembles. Notons que cette exigence participative est
aussi présente dans le domaine de l’intervention sociale et médico-sociale[1].
Tout d’abord, nous considérons que l’enjeu participatif relève d’un processus général
de démocratisation –de la société, des institutions, des entreprises- qui se
situe dans un contexte de crise de la représentation politique. C’est aussi une interrogation sur le lien
social et le vivre ensemble dans un contexte où l’on constate le déclin
progressif de l’influence des institutions structurantes et de l’affirmation d’un
individu libre mais fragilisé par la précarisation de ses conditions de vie et
de ses appartenances. Notre analyse repose sur les démarches participatives
contemporaines et prend appui sur des expérimentations locales[2]
et une littérature qui présente des formes de modélisation et de
conceptualisation[3]. Dans un
premier temps nous allons donner un contenu précis à la notion, puis nous
proposerons une taxinomie des formes identifiables pour en retirer des éléments
d’analyse et de méthode.
Participation
et démocratie de proximité
La participation est un processus d’engagement des acteurs
dans la conception, la mise en œuvre, l’évaluation d’une action, d’un
programme, d’un dispositif, d’une politique. Cet engagement suppose une
implication et un accès à la décision qui ne peut se réaliser sans un partage
du savoir et du pouvoir. La participation interroge la structuration de l’espace
social, ses hiérarchies et ses légitimités et tente de surmonter la
contradiction entre égalité formelle, celle du citoyen abstrait, et les inégalités réelles, celles du
citoyen concret confronté à la violence sociale et économique. La
participation, dans le sens de « prendre part à » ou « avoir sa
part », recouvre des formes diverses et il est courant de les distinguer
selon une échelle mesurant le degré d’engagement dans la construction d’une décision.
Sherry Arnstein[4] a été la
première à réaliser la formalisation d’une échelle de la participation à des
projets urbains. Cette échelle distingue trois niveaux de participation caractérisés
par des intentions diversifiées, de la manipulation à la prise de pouvoir par
les citoyens.
Tableau
1 : Echelle de Sherry Arsntein
Degrés de participation réelle
|
Pouvoir dans les mains des
citoyens
|
|
Pouvoir délégué aux citoyens
|
|
Partenariat dans une relation
asymétrique
|
Degrés d’un semblant de
participation
|
Processus d’apaisement
|
|
Processus de consultation
|
|
Processus d’information
|
Degré de non participation
|
Thérapie
|
|
Manipulation
|
Pour les besoins de nos expérimentations
sur les quartiers Contrat de Ville (Rennes, Cholet), nous avons retenu une
grille structurée en huit formes.
Par rapport à celle de Sherry Arsntein, cette grille intègre la dimension
communicationnelle et la possibilité d’une co-construction d’objets d’intérêt général
par la rencontre entre la société civile et les instances politiques.
Tableau
2 : Echelle de la participation (Alain PENVEN, 2005)
0
|
Ignorance et négation,
|
-
|
1
|
Information
|
+
|
2
|
Communication
|
+
|
3
|
Consultation
|
+
|
4
|
Co-gestion
|
++
|
5
|
Co-construction,
co-décision
|
++
|
6
|
Délégation de
pouvoir contractualisée
|
+++
|
7
|
Autonomisation par
l’autogestion, la coopération, l’expérience utopique, voire l’insurrection révolutionnaire
|
+++
|
Selon les contextes locaux, les
dispositifs, les enjeux sociaux et sociétaux, les démarches participatives peuvent
cumuler différentes formes. Il est possible de les qualifier, d’une part, en
prenant en compte la qualité et l’ampleur de la participation, sa représentativité
et, d’autre part, de considérer le
degré de partage ou de prise du pouvoir. Il est également possible de situer
ces démarches en référence à des systèmes politiques. La typologie proposée par
Marie Hélène Bacqué[5] met en évidence
l’importance des cultures nationales et supranationales.
Tableau 3 : Modèles
participatifs et scénarios politiques (MH BACQUE, 2005)
Modèles participatifs
|
Scénario libéral
|
Scénario autoritaire
|
Scénario social libéral
|
Scénario social démocrate
|
Scénario de la gouvernance participative
|
Managérial
|
+++
|
|
++
|
+
|
+
|
Modernisation participative
|
+
|
|
+++
|
+++
|
++
|
Démocratie de proximité
|
|
|
++
|
++
|
++
|
Empowerment
|
+
|
|
++
|
+
|
++
|
Démocratie participative
|
|
|
|
+
|
+++
|
Exemples
|
« Bush »
|
« Poutine »
|
« Blair »
|
«Suède »
|
« Lula »
|
Cette approche globale est une
lecture de surface qui permet par l’effort de construction d’une typologie de distinguer
les modèles généraux. Mais elle ne permet pas de saisir ce qui se produit au
cours de processus complexes qui mobilisent des cadres réglementaires, des
initiatives d’acteurs et s’inscrivent dans des pratiques professionnelles,
institutionnelles. Les démarches participatives reposent sur une conception de
l’espace public qui révèle des
stratégies, des valeurs, des compétences. Autrement dit, la participation est
une affaire de démocratie et d’expression citoyenne.
La participation est une affaire
de démocratie et d’expression
citoyenne
Aujourd’hui, notre démocratie républicaine
est fragilisée pour plusieurs raisons qui interagissent entre-elles. Tout d’abord,
le pacte républicain fondé sur une croyance collective partagée structurée par
des principes fondateurs de liberté, d’égalité et de fraternité est aujourd’hui
contesté par les faits. L’accroissement des inégalités sociales et économiques,
la criminalisation de la pauvreté, la persistance des discriminations
renforcent la crise de confiance à l’égard des institutions et de la classe
politique. De plus, les développements transnationaux et internationaux
(mondialisation des échanges, européanisation des politiques) soulignent la
faiblesse de l’Etat nation. Ce contexte de renforcement des inégalités et de
mise en cause du modèle républicain d’intégration et de promotion sociale génère
des mécanismes de désengagement (abstentionnisme, non inscription sur les
listes électorales), de radicalisme ou encore de relégation sociale associés à
des formes de ségrégation sociales et spatiales. Les risques de rupture, de sécession,
d’émeutes urbaines conduisent les pouvoirs publics à agir de diverses manières :
le renforcement des dispositifs sécuritaires (plus de policiers), le développement
des mesures de réparation sociale, prévention, assistance, développement social
(plus d’assistés), l’expérimentation de nouvelles manières de gérer l’action
publique, la modernisation par l’usager, la régulation sociale par la
participation (plus de réunions).
La démocratie représentative, ou
délégative, fondée sur la sacralisation du mandat issu des urnes et dorénavant
accompagné d’une démocratie participative dite de proximité qui fait l’objet d’expérimentations
récentes, notamment à travers la mise en œuvre des conseils de quartiers rendus
obligatoires par la loi pour les communes de plus de 80 000 h[6].
Sur le terrain des villes et du développement urbain la participation des
habitants aux projets touchant leur habitat et leur cadre de vie est une préoccupation
ancienne. Les Ateliers publics d’urbanisme expérimentés à Lille/Roubaix
/Tourcoing dans les années 70, les opérations Habitat et Vie Sociale en 1977 (à
Rennes Cleunay en 78/79/80), puis la généralisation des procédures
contractuelles de développement social urbain –DSU- illustrent la volonté d’agir
pour et avec les habitants. Les conseils de quartiers expérimentés
par des villes pionnières comme Nantes et Rennes se généralisent dans toutes
les villes de plus de 80 000 habitants depuis l’adoption de la loi « Démocratie
de proximité ».
La démocratie de proximité se
traduit par l’instauration de procédures participatives et d’animation concertée
de projets éducatifs, sociaux et culturels, d’un implication des acteurs –habitants
organisés ou non, professionnels, associations- à des réalisations d’urbanisme
et d’aménagement du cadre de vie. L’animation de projets éducatifs, sociaux et
culturels à l’échelle d’un territoire instaure des logiques transversales et
partenariales qui bousculent et déstabilisent les logiques sectorielles. Les
associations locales notamment, qui structurent leurs actions et leurs activités par discipline, domaine ou public
doivent se positionner dans le jeu participatif et rechercher la conciliation
entre un projet territorial animé par la puissance publique avec des moyens
humains, financiers et matériels conséquents, et leur propre projet inspiré par
la mobilisation de leurs militants
et orienté vers la satisfaction des besoins de leurs adhérents et usagers.
Les positions de méfiance, de résistance,
voire de défiance, exprimée lors
de la création des conseils de quartier
par des associations mettant en avant le risque de municipalisation et d’instrumentalisation,
illustrent cette recomposition des espaces publics et politiques. La proximité
est aussi incarnée par la désignation d’adjoints de quartier, ce qui permet de
renforcer la transversalité et la coordination de l’intervention des services
municipaux.
Le processus de démocratisation
par la proximité suppose de dépasser la définition abstraite de la citoyenneté
(le citoyen est membre d’une communauté politiquement organisée –la cité- qui
dispose de droits et de devoirs)
pour une définition concrète et localisée. Si l’attribution de la qualité
de citoyen est inhérente au
principe républicain (le pouvoir au peuple), le processus de construction d’une
expression citoyenne et d’une participation à l’espace public et politique
suppose une formation, un engagement, une volonté de faire vivre le débat
public. Si la citoyenneté est une conséquence du statut de membre d’une nation,
ce qui implique des droits et des devoirs, c’est aussi une construction
sociale, individuelle et collective qui s’inscrit dans un contexte politique et
historique déterminé. Le débat sur la représentation politique des minorités
visibles ou encore les débats sur le vote des étrangers en apporte la preuve.
L’expérimentation de démarches
participatives territoriales illustre les enjeux et les principes et les
difficultés d’une « démocratie octroyée ». L’initiative publique
bouscule le positionnement des acteurs individus, collectifs, associations et
institutions, qui se trouvent impliqués dans un jeu de construction d’un objet
commun en recherchant à concilier des intérêts personnels et collectifs au
profit d’un intérêt général. La participation des acteurs dans ces projets
territorialisés[7] interroge la
relation entre espace public et espace politique, entre démocratie représentative
et démocratie participative. Eric Dacheux[8] a proposé une nouvelle
conceptualisation de l’espace public. Il considère que dans nos sociétés
modernes, les espaces domestiques, publics et politiques sont reliés entre eux
par l’espace médiatique et « par
des champs qui se connectent deux à deux : les espaces de médiation
institutionnelle et les espaces civils ».
Tableau
4 : Les frontières de l’espace public (Eric DACHEUX, 2004)
|
Dénomination
|
Lieux empiriques d’observation
|
|
Espace domestique
|
Foyer
|
Zone frontière basse
|
Espace d’inter-connaissance
|
Bar, Marché
|
|
Espace de médiation sociale
|
Economie solidaire Assemblée générale
d’une association
|
|
Espace public
|
Forum social Economie solidaire
|
Zone frontière haute
|
Espace de médiation
institutionnelle
|
Dispositifs participatifs Conseils
de quartier
|
|
Espace politique
|
Système institutionnel
|
Selon ce schéma, par la médiation
institutionnelle (conventionnement, démarche consultative ou participative) l’espace
politique se trouve en dialogue avec l’espace public. La médiation sociale, culturelle et le travail d’animation
et d’inter-connaissance assurent
de leur côté la mise en dialogue de la sphère domestique et des espaces
associatifs et inter-associatifs ou autres (marchés, bar, manifestation festive…)
qualifiés d’espaces civils. L’auteur identifie des zones frontières entre ces
espaces, mais des relations spontanées, organisées et parfois formalisées s’expriment
également. Les questions de la participation et des conventions, en tant que normes de structuration et
d’orientation de l’action, deviennent centrales.
La recherche d’un nouveau positionnement
des acteurs se cristallise le plus souvent sur la définition des engagements
conventionnels ou contractuels avec les collectivités locales. De plus, la
construction des partenariats à l’échelle d’un territoire interroge la complémentarité
et la spécificité des projets associatifs. Cet effort de clarification et de
positionnement traduit la volonté de ces associations de redonner un sens
politique à leur engagement.
Ainsi, la définition de l’espace public devient un enjeu central pour gérer
les interdépendances, comme les marges de manœuvre et d’autonomie. La
participation des acteurs individuels et collectifs est au cœur de la formation
d’un véritable espace public
car « La caractéristique qui différencie l’espace public tout
à la fois de l’espace politique et de l’espace domestique c’est la
participation. L’espace public est un lieu où l’individu prend part
physiquement à un acte politique, où il s’engage (Ion, 2001). Cet engagement
peut être communicationnel (prendre la parole dans une réunion politique), mais
il peut revêtir des formes tangibles comme l’accomplissement d’actes civiques
(vote, réponse à des enquêtes d’utilité publique, par exemple) ou la
participation à des actions militantes (manifestations, pétitions, etc.). Les
trois caractéristiques théoriques de l’espace public (médiation, communication,
participation) permettent de définir les traits empiriques d’un espace public :
un espace de médiation […] un espace ouvert au public […] un espace où la
critique peut librement s’exercer, un espace d’échanges symboliques […] un lieu
physique où ces acteurs agissent »[9].
Ces espaces sont en tension. Ils
mettent en présence des logiques d’actions variées qui doivent composer entre
elles sur un territoire donné et autour d’un objet commun. La construction de
cet objet commun est le plus souvent déterminée par les nouvelles formes d’animation
des politiques publiques qui visent le renforcement de la cohésion sociale et
la restauration de la crédibilité du politique et du service public par ces démarches
participatives.
Des
pratiques en construction
Les démarches participatives expérimentées
dans le cadre de commandes publiques en mobilisant les outils de la
recherche-action relèvent d’un pari sur la compétence collective[10]
et sur les vertus démocratiques de
la participation. Tout d’abord, nous avons pu constater que si la participation
au processus participatif est effective, elle concerne les acteurs qui se
mobilisent habituellement. L’effet démultiplicateur de la démarche n’est pas
assuré, mis à part lors des grandes assemblées organisées pour rendre compte
des avancées des projets. Mais cette mobilisation ponctuelle relève davantage
de la diffusion d’informations et de l’animation d’un temps convivial que d’un
engagement.
Nous avons rencontré, au cours de
nos actions d’accompagnement de démarches participatives dans les quartiers ZUS
de Rennes et de Cholet, trois types d’acteurs : les impliqués, les informés
et les absents. Les impliqués, habitants organisés ou non se trouvent en
proximité avec les structures sociales, scolaires, culturelles. Leur
implication est « évidente et naturelle » et les travailleurs sociaux
qui ont intégré dans leurs pratiques la participation active des habitants sont
d’efficaces relais d’information et d’implication. Nous avons donc au cœur de
la démarche un système d’acteurs local structuré dans la proximité et par l’activité.
Cette logique de participation peut être résumée sous l’expression suivante :
« agir pour le quartier avec les habitants du quartier ». Autour de
ce système d’acteurs dont la légitimité repose sur la pratique partagé et l’appartenance
à un monde vécu, se positionnent des militants associatifs et des représentants
d’institutions sensibilisés qui soutiennent la démarche au non du service
public ou d’un projet social et culturel. Ce premier groupe d’acteurs représente
entre 50 et 80 personnes selon les
quartiers. Ensuite, la démarche participative touche ponctuellement des
personnes intéressées et informées qui ne participent pas directement à la démarche,
mais qui manifestent leur intérêt
pour le quartier et ses habitants. Ce deuxième cercle représente
entre 100 et 150 personnes qui vont se laisser entraîner par une manifestation
de quartier. Enfin, les grands absents de la participation sont les jeunes et
les élus. Cette absence est paradoxale car tout au long des processus
participatif analysés, ils sont présents
dans les discours comme cible
première des actions ou des décisions. Cette expérience montre les limites de
la participation et l’illusion d’une représentation large des acteurs,
notamment les habitants.
Pour comprendre la formation
particulière de ce système d’acteur participatif, nous faisons l’hypothèse que
la participation à ce type de dispositif public met en jeu différentes formes
de légitimité qui s’affichent et s’affirment en référence à une expérience
sociale et spatiale, professionnelle et institutionnelle. La construction d’une
vision partagée d’un intérêt général est aussi un travail de construction d’un
discours qui souligne les sources de légitimité fondée sur le monde vécu, la
compétence ou le statut. Le processus participatif constitue un lieu d’exposition,
de communication et d’interaction où se confrontent différentes formes de légitimité.
L’idéal participatif, comme les principes de la recherche- action, impose un registre égalitaire qui
demande aux acteurs un effort de distanciation et de traduction. En effet, si
les inégalités de savoir, de pouvoir, de condition ne sont pas occultées, l’expression de tous est encouragée,
sollicitée, valorisée afin de parvenir à une expression commune formalisée et
validée.
Le collectif d’acteurs se situe
alors à partir d’un langage commun, ni trivial, ni spécialisé, élaboré pour la
compréhension et l’action. Notons le caractère formateur mais transitoire de la
démarche car à l’issue du processus, lorsque les décisions se prennent
(notamment financières), la dynamique du groupe participatif laisse la place à
la dynamique puissante des institutions. L’inscription territoriale des projets
génère une confrontation des représentations des enjeux. Si les habitants du
quartier se situent volontairement et spontanément en référence à leur
logement, immeuble, sous-quartier, d’autres acteurs, notamment les chefs de
projet (ville, Etat), raisonnent à l’échelle de l’agglomération.
De même, pour les préoccupations
sociales et éducatives, la position d’usager se confronte à la position
citoyenne du militant qui développe une vision progressiste de l’ordre social
et de l’éducation. Ces différents niveaux d’inscription politique et
territoriale montrent que les expériences sociales et spatiales comme les compétences,
notamment statutaires et langagières (capacité d’interlocution, d’argumentation
et de délibération), constituent des référentiels porteurs de valeurs, d’intérêts,
de représentations qui orientent la position des acteurs qui se trouvent
interpellés par le processus participatif. En conséquence, la construction d’un
projet participatif suppose la confrontation de ces logiques et leur confrontation,
puis leur conciliation autour de l’expression formalisée (projet validé,
convention signée) d’un intérêt général. Cela suppose que les forces de cohésion
sociale et territoriale soient plus fortes que les forces de distinction. Bref,
que la coopération l’emporte sur les pratiques de concurrence ou de domination.
Conclusion
Une démarche participative est un
processus de construction collective qui demande du temps, un engagement
durable, de la persévérance. Or le temps des acteurs, des institutions, de l’administration
obéit à des rythmes et des contraintes de nature différentes. De plus, la
tendance actuelle, en raison de la multi-appartenance des individus, est au « surbooking »
et au « zaping » professionnel et militant. L’engagement dans une démarche
participative impose la synchronisation des engagements et des processus décisionnels.
Cela suppose un accord préalable afin d’éviter toute déconvenue ou manipulation
de l’action participative.
La participation est un
engagement politique qui s’inscrit dans un processus communicationnel. Elle opère
une articulation entre logiques d’action des acteurs par un échange d’informations,
un débat d’idées et la production
d’une délibération. La délibération, construction collective qui prépare l’acte
décisionnel, suppose une volonté partagé de dépasser les intérêts individuels
et les conflits interpersonnels pour formuler une position commune qui représente
l’intérêt collectif, voire l’intérêt général. Cette activité citoyenne ne se décrète
pas, elle se construit par l’engagement, l’apprentissage et l’échange de
savoir. Elle engage un processus de formation informelle qui consolide des légitimités
et provoque une conscientisation.
Bref il s’agit, de mettre en oeuvre une véritable pédagogie coopérative[11]
et peut-être dans les cas extrêmes une pédagogie de l’opprimé[12]
pour reprendre l’expression de Paolo Freire.
La conception d’une démarche
participative bute le plus souvent sur la question de la représentativité et de
la délégation. Dans une perspective d’élaboration concertée d’un projet
territorial, il est illusoire de revendiquer une représentativité. En effet, l’engagement
intense et durable réclamé par cette forme d’action élimine de fait les
personnes qui pour diverses raisons ne peuvent se plier aux exigences
(disponibilité, compétence, expérience) de ces approches. Les instances
participatives institutionnalisées fonctionnent sur la base de la délégation ou
de la cooptation. On retrouve là le même décalage potentiel entre une
population et ses représentants. Faute de pouvoir réunir les conditions d’une démocratie
participative directe et légitimée par sa représentativité, il convient de
considérer les démarches participatives comme des expérimentations qui
permettent aux acteurs de recomposer les modalités de construction de la décision
en prenant en compte le territoire et ses habitants.
[3] Marie Hélène BACQUE, Opcit,
Michel CALLON, LASCOUMES Pierre,
BARTHE Yves, Agir dans un monde incertain,
Paris : Seuil, 2001, 357p.
[4]Sherry ARNSTEIN, « Une
échelle de participation citoyenne » Journal of town planning
institute, Vol. 57, N°4, 1971
[6] Loi N° 2002-276 du 27
février 2002 relative à la démocratie de proximité.
[7]Projet territorial Bretagne
Bostangis à Cholet, projets culturels à Maurepas, quartier ZUS de Rennes,
recherche-action sur les dynamiques associatives rennaises.
[8]Eric Dacheux, Les frontières de l’espace public, Revue
Hermes, Economie solidaire et démocratie, 2004/36 pp195-204
[9] Bernard
EME, Agir solidaire et publicisation des
conflits, Revue Hermes Economie solidaire et démocratie, 2004 / 36, page
186
[10] Nous définissons la
compétence collective comme la capacité d’un système d’acteurs en interaction à
mobiliser, dans une situation donnée, des capacités et des savoirs afin de
répondre de manière adaptée à des enjeux communs.
[11] Alain PENVEN, Maurice
PARODI, Pour une pédagogie coopérative,
www.universite-cooperative.coop
[12] Paolo FREIRE, Pédagogie de l’opprimé, Paris :
Maspéro, 1977, 202p.
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