LE TOURISME SOCIAL A L'EPREUVE DE LA TRANSFORMATION DES USAGES SOCIAUX DU TEMPS LIBRE
Confrontés à des transformations profondes et parfois brutales de la demande de loisirs, les associations de tourisme social interrogent leur modèle de gouvernance et de développement, et recherchent de nouveaux arguments pour justifier leur utilité sociale. Cette réflexion sur l’encrage économique et social des projets associatifs s’inscrit dans un mouvement plus global de production d’indicateurs alternatifs de la richesse que les militants de l’économie sociale expérimentent aujourd’hui afin d’affirmer des spécificités et combattre la banalisation par le marché. L’élaboration d’indicateurs alternatifs est développée par approches globales et théoriques. Cependant, si ces textes de référence ont permis une première sensibilisation, les acteurs ont cherché des approches plus concrètes et plus opérationnelles. Dans cette perspective de nombreuses expérimentations ont été conduites pour construire des outils d’évaluation adaptés aux besoins des dirigeants des différentes familles de l’économie sociale. A titre d’exemples citons les travaux du Centre de jeunes dirigeants de l’économie sociale -CJDES- autour de la démarche bilan sociétal ; les réalisations pionnières de Culture et promotion sur l’évaluation de l’utilité sociale, les démarches qualité conçues par les fédérations du secteur de l’insertion (COORACE, CNEFEI…), notre travail sur l’évaluation des modèles de développement associatifs (DELPHES). Cette mobilisation autour des enjeux de l’évaluation répond à la crainte de la banalisation des associations au plan national et européen, notamment dans la perspective de l’application de circulaires fiscales et de réglementations du marché des services d’intérêt général. Ces démarches constituent des efforts de justification et de différentiation. Elles sont aussi des processus de modernisation des pratiques et des discours. Dans le prolongement des ces travaux, nous avons réalisé une enquête auprès d’associations gestionnaires d’une dizaine de Villages Vacances de la Fédération Loisirs Vacances Tourisme –LVT- afin de tester ces approches et de comprendre sur le terrain comment les acteurs, qu’ils soient élus, salariés, usagers, partenaires, se positionnaient à partir de ces enjeux qui touchent les projets associatifs et leur transformation.
Les mutations contemporaines du tourisme social.
Nous partons de l’hypothèse que le projet de tourisme social est profondément bousculé par trois processus de changements associés : les transformations des pratiques du tourisme en général, les changements sociétaux notamment les mutations de la famille et la montée en puissance de l’individualisme moderne et enfin l’évolution des logiques propres aux villages vacances à gestion associative et à finalité sociale. Tout d’abord, il convient de préciser ce que nous entendons par projet de tourisme social. Nous pouvons le qualifier à partir de pratiques collectives destinées à favoriser l’accès de tous aux vacances et aux loisirs en référence à des valeurs de solidarité, de mixité sociale et d’éducation populaire. Nous ajoutons que les associations de tourisme social ont favorisé la démocratisation de l’accès aux vacances et aux loisirs, notamment à partir de la généralisation des congés payés.
Au XIX° le tourisme est une pratique de consommation élitiste accessible à une population d’aristocrates et de rentiers. Sous l’impulsion de mouvements sociaux, syndicaux et familiaux, l’accès aux vacances des familles populaires a été encouragé. Cette démocratisation de l’accès aux vacances et aux loisirs a été facilitée, lors des périodes de croissance de l’après-guerre, par la contribution décisive de l’Etat et des Caisses d’Allocations Familiales –CAF- Aujourd’hui, dans un contexte de chômage de masse et de croissance faible, le tourisme est devenu un produit de consommation de masse dont les usages différenciés reflètent les inégalités sociales contemporaines. Cette consommation de masse est évaluable par la croissance du nombre de touristes et le poids économique. Le tourisme social représente une part réduite de cette activité nationale touristique. Le tourisme associatif est à l’origine un tourisme qui se positionne en dehors du marché car il repose principalement par l’engagement militant et l’auto-organisation des familles. Les équipements sont rustiques et la convivialité compense un confort élémentaire. Les années 60 seront marquées par un mouvement de structuration, de développement et de professionnalisation des équipes. Les associations soutenues par les pouvoirs publics et les CAF vont transformer les équipements et les fonctionnements se rapprochant ainsi progressivement des standards du secteur marchand régulés par une demande de plus en plus exigeante. Notons à cette occasion une forme d’isomorphisme de filière professionnelle induite par une concurrence accrue et une demande qui se banalise. A cet âge d’or du tourisme social professionnalisé et modernisé va succéder une période de crises et de restructurations. L’Etat se désengage et les aides publiques ont été divisées par quatre entre 1979 et 1986. Les CAF comme les Comités d’Entreprises orientent leurs interventions en fonction des priorités et les attentes du moment (lutte contre les exclusions, individualisation des prises en charge). Des associations ferment des Villages car elles connaissent des difficultés économiques. Certaines sont tentées par la filialisation et une inscription plus offensive sur le marché concurrentiel (VVF SA).
Les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix seront marquées par le fléchissement de la demande des familles et l’apparition de demandes collectives en croissance, notamment celles des groupes et des retraités. Ces derniers représentent en 2006 un quart des usagers des villages vacances, les professions libérales 14%, les professions intermédiaires 15%. Les catégories « populaires» représentent 28% (17% d’employés et 11% d’ouvriers). Ces chiffres récents montrent la diversité de la composition sociologique de la clientèle des Villages Vacances. Nous pouvons aussi y voir une forte représentation des cadres et des retraités dont on peut faire l’hypothèse raisonnable qu’une grande partie d’entre eux sont aussi des cadres intermédiaires ou supérieurs. A ce stade de notre réflexion nous pouvons considérer que la période récente est marquée par une segmentation de la clientèle par le revenu et la structuration familiale ou collective. Autrement dit, les villages vacances accueillent des familles aidées et des familles aisées, d’une part, des groupes d’enfants, des groupes de personnes en situation de handicap ou de personnes âgées d’autre part.
Aujourd’hui le tourisme social compte 1500 centres d’hébergement offrant 250 000 lits, accueille six millions de vacanciers. Ces centres sont animés par 12000 salariés permanent et 60000 salariés saisonniers. Dans ce contexte contemporain, le tourisme social est confronté à des transformations sociétales qui remettent en cause une tradition fondée sur des pratiques collectives et populaires. Tout d’abord, la question sociale qui est définie en termes de pauvreté, de précarité et de discrimination oriente les efforts des pouvoirs publics vers la prévention des phénomènes d’exclusions et le renforcement de la cohésion sociale. La question de l’emploi devient centrale, celle des vacances et des loisirs secondaire. La fragilisation de la société salariale et le renforcement des phénomènes de discriminations et de ségrégation constituent un obstacle majeur à l’accès de tous aux vacances. Par ailleurs, comme le soulignent de nombreux travaux de recherche en sciences sociales, la modernité se construit autour de la figure de l’individu autonome et la fragmentation des univers sociaux. La diversification des formes familiales (famille monoparentale, homoparentale, recomposée, élargie par les solidarités intergénérationnelles), entraîne une reconfiguration des usages sociaux du temps libre. Ainsi, le projet de loisirs ou de vacances devient un choix individuel négocié dans un cadre familial ou collectif. Enfin, l’urbanisation des modes de vie, l’élévation de l’espérance de vie et du niveau culturel de la population laissent apparaître un temps libre en croissance constante et une demande de loisirs à forte connotation culturelle et environnementale. Notons également la mondialisation de l’offre touristique et l’essor des voyages à l’étranger. En raison de ces transformations, les villages vacances sont engagés dans un processus de diversification et de flexibilité de leurs activités.
Au XIX° le tourisme est une pratique de consommation élitiste accessible à une population d’aristocrates et de rentiers. Sous l’impulsion de mouvements sociaux, syndicaux et familiaux, l’accès aux vacances des familles populaires a été encouragé. Cette démocratisation de l’accès aux vacances et aux loisirs a été facilitée, lors des périodes de croissance de l’après-guerre, par la contribution décisive de l’Etat et des Caisses d’Allocations Familiales –CAF- Aujourd’hui, dans un contexte de chômage de masse et de croissance faible, le tourisme est devenu un produit de consommation de masse dont les usages différenciés reflètent les inégalités sociales contemporaines. Cette consommation de masse est évaluable par la croissance du nombre de touristes et le poids économique. Le tourisme social représente une part réduite de cette activité nationale touristique. Le tourisme associatif est à l’origine un tourisme qui se positionne en dehors du marché car il repose principalement par l’engagement militant et l’auto-organisation des familles. Les équipements sont rustiques et la convivialité compense un confort élémentaire. Les années 60 seront marquées par un mouvement de structuration, de développement et de professionnalisation des équipes. Les associations soutenues par les pouvoirs publics et les CAF vont transformer les équipements et les fonctionnements se rapprochant ainsi progressivement des standards du secteur marchand régulés par une demande de plus en plus exigeante. Notons à cette occasion une forme d’isomorphisme de filière professionnelle induite par une concurrence accrue et une demande qui se banalise. A cet âge d’or du tourisme social professionnalisé et modernisé va succéder une période de crises et de restructurations. L’Etat se désengage et les aides publiques ont été divisées par quatre entre 1979 et 1986. Les CAF comme les Comités d’Entreprises orientent leurs interventions en fonction des priorités et les attentes du moment (lutte contre les exclusions, individualisation des prises en charge). Des associations ferment des Villages car elles connaissent des difficultés économiques. Certaines sont tentées par la filialisation et une inscription plus offensive sur le marché concurrentiel (VVF SA).
Les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix seront marquées par le fléchissement de la demande des familles et l’apparition de demandes collectives en croissance, notamment celles des groupes et des retraités. Ces derniers représentent en 2006 un quart des usagers des villages vacances, les professions libérales 14%, les professions intermédiaires 15%. Les catégories « populaires» représentent 28% (17% d’employés et 11% d’ouvriers). Ces chiffres récents montrent la diversité de la composition sociologique de la clientèle des Villages Vacances. Nous pouvons aussi y voir une forte représentation des cadres et des retraités dont on peut faire l’hypothèse raisonnable qu’une grande partie d’entre eux sont aussi des cadres intermédiaires ou supérieurs. A ce stade de notre réflexion nous pouvons considérer que la période récente est marquée par une segmentation de la clientèle par le revenu et la structuration familiale ou collective. Autrement dit, les villages vacances accueillent des familles aidées et des familles aisées, d’une part, des groupes d’enfants, des groupes de personnes en situation de handicap ou de personnes âgées d’autre part.
Aujourd’hui le tourisme social compte 1500 centres d’hébergement offrant 250 000 lits, accueille six millions de vacanciers. Ces centres sont animés par 12000 salariés permanent et 60000 salariés saisonniers. Dans ce contexte contemporain, le tourisme social est confronté à des transformations sociétales qui remettent en cause une tradition fondée sur des pratiques collectives et populaires. Tout d’abord, la question sociale qui est définie en termes de pauvreté, de précarité et de discrimination oriente les efforts des pouvoirs publics vers la prévention des phénomènes d’exclusions et le renforcement de la cohésion sociale. La question de l’emploi devient centrale, celle des vacances et des loisirs secondaire. La fragilisation de la société salariale et le renforcement des phénomènes de discriminations et de ségrégation constituent un obstacle majeur à l’accès de tous aux vacances. Par ailleurs, comme le soulignent de nombreux travaux de recherche en sciences sociales, la modernité se construit autour de la figure de l’individu autonome et la fragmentation des univers sociaux. La diversification des formes familiales (famille monoparentale, homoparentale, recomposée, élargie par les solidarités intergénérationnelles), entraîne une reconfiguration des usages sociaux du temps libre. Ainsi, le projet de loisirs ou de vacances devient un choix individuel négocié dans un cadre familial ou collectif. Enfin, l’urbanisation des modes de vie, l’élévation de l’espérance de vie et du niveau culturel de la population laissent apparaître un temps libre en croissance constante et une demande de loisirs à forte connotation culturelle et environnementale. Notons également la mondialisation de l’offre touristique et l’essor des voyages à l’étranger. En raison de ces transformations, les villages vacances sont engagés dans un processus de diversification et de flexibilité de leurs activités.
Des acteurs du tourisme social mobilisés pour la survie de leurs Villages Vacances
Les observations conduites sur le terrain laissent apparaître une conception originale de l’accueil et de l’animation du projet associatif. En premier, nous avons pu apprécier la localisation privilégiée des villages vacances étudiés. La qualité exceptionnelle des sites tant au plan environnemental et patrimonial constitue une source d’attrait et d’affirmation identitaire. L’effet de lieu est remarquable et conduit à des formes d’identification et d’attachement. En second, notons l’importance de l’histoire familiale et amicale dans la manière de faire le récit de l’aventure collective qui se construit par le Village Vacances. Nous ajoutons qu’un engagement, militant, familial, professionnel très prononcé conduit parfois à une fusion (une confusion ?) entre la trajectoire personnelle du dirigeant et la trajectoire de l’entreprise sociale que constitue un Village Vacances. Cet attachement qui est souvent considérée comme une force par les intéressés peut aussi générer des risques notamment en matière de régulation collective et de renouvellement des acteurs. Les professionnels et les dirigeants bénévoles apparaissent fortement mobilisés pour assurer le « remplissage » et donc la survie des structures et aussi pour développer les outils et les produits. La qualité de l’accueil, la relation d’écoute, l’empathie apparaissent comme des compétences partagées qui donnent au Villages Vacances une couleur conviviale et agréable. Lorsque l’on interroge les acteurs, on parvient assez aisément à caractériser un projet bien identifié, référé à des valeurs fortes et partagées. Cependant ce projet qui fédère et structure des consensus est déstabilisé par les transformations de la demande et les tensions qui apparaissent entre logique sociale et logique économique.
Nous pouvons schématiser l’entreprise sociale Village Vacances LVT comme une organisation collective qui produit des séjours et des produits touristiques en mobilisant des ressources humaines, professionnelles et bénévoles, et des moyens matériels et financiers. Cette activité est située dans un environnement humain et naturel et dépend fondamentalement de la rencontre entre une demande sociale qui évolue et une offre qui s’adapte. Cette entreprise sociale est traversée par des logiques en tension qui structurent le développement du projet. La logique sociale est fondée sur un principe de mixité sociale, d’ouverture et de solidarité. Elle repose sur une qualité d’accueil et la capacité des équipes à prendre en compte des demandes spécifiques. La logique économique vise l’équilibre, la pérennisation des emplois, l’investissement nécessaire à l’évolution des structures d’accueil. La conciliation de ces deux logiques est rendue possible par une définition claire des orientations et des pratiques tarifaires, elle constitue aussi un «combat quotidien» fondé sur l’adaptation et l’intercompréhension. Ensuite, les processus de professionnalisation ont entraîné un repositionnement du bénévolat sur des missions stratégiques d’orientation et de gestion. A ce propos, une réflexion est engagée sur la question du patrimoine de son statut (propriété, location) et des alliances nécessaires avec les collectivités publiques pour bénéficier de soutiens financiers. L’inscription territoriale des Villages Vacances et la reconnaissance d’une utilité sociétale plaident en faveur d’un partenariat privilégié entre acteurs publics et promoteurs d’un tourisme associatif à vocation sociale. Cependant, les alliances qui se construisent peuvent aussi interroger l’autonomie du projet associatif et la pérennité de ses liens partenariaux. La territorialisation du projet associatif va conduire à la valorisation du travail en réseau et à la construction de partenariats locaux.
La consolidation de cet encrage territorial s’accompagne d’un doute sur la nécessité d’entretenir un lien fédéral. Le problème de la relation entre la fédération nationale et les associations locales est posé en termes d’intérêts et de contributions respectives. Les entretiens réalisés avec les dirigeants permettent d’identifier des orientations stratégiques transversales. Elles relèvent du développement commercial et de la diversification des produits. Elles concernent aussi l’animation du projet associatif et du partenariat territorialisé. Notons que peu de dirigeants inscrivent leurs actions en référence au développement durable. Les modes de gouvernance du projet associatif et de l’entreprise sont assez fidèles à la tradition associative, cependant les questions du développement des compétences et du renouvellement des dirigeants, conduisent les équipes à réfléchir à de nouvelles modalités de fonctionnement et à la mise en œuvre de formations spécifiques et transversales. Il apparaît aux acteurs la nécessité d’entretenir et de développer des compétences professionnelles à partir des métiers de base (restauration, hébergement, animation, gestion) et aussi de développer une culture commune autour des valeurs portées par le mouvement. Les villages vacances étudiés représentent des entités économiques de taille très différentes allant de l’association gérée par des bénévoles avec le concours de quelques professionnels et un budget limité (150 000€) à des entreprises associatives gérant plusieurs établissements employeurs de d’équipes professionnelles importantes et de budgets conséquents (1,97M€, moyenne 960 000€). Les produits sont constitués par la vente de prestations, les cotisations des membres représentent une part infime des budgets (6000€ à 21 000€). Les subventions sont principalement attribuées pour des investissements. Le salariat est marqué par les caractéristiques suivantes : un nombre de postes permanents allant de deux emplois à 33, des postes saisonniers plus nombreux de 1 à 109. La parité entre les hommes est respectée pour l’ensemble des emplois et pour les postes de direction. En revanche, la part des travailleurs handicapés est très faible (0,3%, l’objectif fixé par les politiques publiques est de 6%). Les conseils d’administration sont composés en moyenne de 15 personnes, 30% de femmes et seulement 3% de moins de trente ans. L’évaluation croisée des dimensions du développement des villages vacances permet de souligner l’orientation des projets à partir de l’axe développement social de l’axe développement économique. Ces observations portées par l’ensemble des acteurs convergent pour attester d’une approche sociale de l’entreprise associative dans le champ du tourisme. Les performances des villages vacances en matière de prise en compte des indicateurs sociaux de l’utilité (solidarité, engagement citoyen, utilité sociale et sociétale) sont les plus nettes. En second plan, apparaît la prégnance des enjeux économiques. La situation des différents villages est différenciée, cependant la culture économique et commerciale des équipes est présente, l’optimisation des équipements (taux de remplissage) la qualité du service rendu à l’usager, la productivité et la notoriété sont des indicateurs qui obtiennent des appréciations très positives. Cette polarisation sur les axes du développement économique et social à son revers. En effet, les réalisations en matière de développement humain (conditions de travail, reconnaissance, formation) comme celles relatives au développement durable apparaissent faibles ou moyennes. Des efforts sont réalisés dans les deux domaines. Cependant elles ne sont pas intégrées dans les discours et les pratiques comme des références centrales. Ce sont deux axes de développement prometteurs.
Nous pouvons schématiser l’entreprise sociale Village Vacances LVT comme une organisation collective qui produit des séjours et des produits touristiques en mobilisant des ressources humaines, professionnelles et bénévoles, et des moyens matériels et financiers. Cette activité est située dans un environnement humain et naturel et dépend fondamentalement de la rencontre entre une demande sociale qui évolue et une offre qui s’adapte. Cette entreprise sociale est traversée par des logiques en tension qui structurent le développement du projet. La logique sociale est fondée sur un principe de mixité sociale, d’ouverture et de solidarité. Elle repose sur une qualité d’accueil et la capacité des équipes à prendre en compte des demandes spécifiques. La logique économique vise l’équilibre, la pérennisation des emplois, l’investissement nécessaire à l’évolution des structures d’accueil. La conciliation de ces deux logiques est rendue possible par une définition claire des orientations et des pratiques tarifaires, elle constitue aussi un «combat quotidien» fondé sur l’adaptation et l’intercompréhension. Ensuite, les processus de professionnalisation ont entraîné un repositionnement du bénévolat sur des missions stratégiques d’orientation et de gestion. A ce propos, une réflexion est engagée sur la question du patrimoine de son statut (propriété, location) et des alliances nécessaires avec les collectivités publiques pour bénéficier de soutiens financiers. L’inscription territoriale des Villages Vacances et la reconnaissance d’une utilité sociétale plaident en faveur d’un partenariat privilégié entre acteurs publics et promoteurs d’un tourisme associatif à vocation sociale. Cependant, les alliances qui se construisent peuvent aussi interroger l’autonomie du projet associatif et la pérennité de ses liens partenariaux. La territorialisation du projet associatif va conduire à la valorisation du travail en réseau et à la construction de partenariats locaux.
La consolidation de cet encrage territorial s’accompagne d’un doute sur la nécessité d’entretenir un lien fédéral. Le problème de la relation entre la fédération nationale et les associations locales est posé en termes d’intérêts et de contributions respectives. Les entretiens réalisés avec les dirigeants permettent d’identifier des orientations stratégiques transversales. Elles relèvent du développement commercial et de la diversification des produits. Elles concernent aussi l’animation du projet associatif et du partenariat territorialisé. Notons que peu de dirigeants inscrivent leurs actions en référence au développement durable. Les modes de gouvernance du projet associatif et de l’entreprise sont assez fidèles à la tradition associative, cependant les questions du développement des compétences et du renouvellement des dirigeants, conduisent les équipes à réfléchir à de nouvelles modalités de fonctionnement et à la mise en œuvre de formations spécifiques et transversales. Il apparaît aux acteurs la nécessité d’entretenir et de développer des compétences professionnelles à partir des métiers de base (restauration, hébergement, animation, gestion) et aussi de développer une culture commune autour des valeurs portées par le mouvement. Les villages vacances étudiés représentent des entités économiques de taille très différentes allant de l’association gérée par des bénévoles avec le concours de quelques professionnels et un budget limité (150 000€) à des entreprises associatives gérant plusieurs établissements employeurs de d’équipes professionnelles importantes et de budgets conséquents (1,97M€, moyenne 960 000€). Les produits sont constitués par la vente de prestations, les cotisations des membres représentent une part infime des budgets (6000€ à 21 000€). Les subventions sont principalement attribuées pour des investissements. Le salariat est marqué par les caractéristiques suivantes : un nombre de postes permanents allant de deux emplois à 33, des postes saisonniers plus nombreux de 1 à 109. La parité entre les hommes est respectée pour l’ensemble des emplois et pour les postes de direction. En revanche, la part des travailleurs handicapés est très faible (0,3%, l’objectif fixé par les politiques publiques est de 6%). Les conseils d’administration sont composés en moyenne de 15 personnes, 30% de femmes et seulement 3% de moins de trente ans. L’évaluation croisée des dimensions du développement des villages vacances permet de souligner l’orientation des projets à partir de l’axe développement social de l’axe développement économique. Ces observations portées par l’ensemble des acteurs convergent pour attester d’une approche sociale de l’entreprise associative dans le champ du tourisme. Les performances des villages vacances en matière de prise en compte des indicateurs sociaux de l’utilité (solidarité, engagement citoyen, utilité sociale et sociétale) sont les plus nettes. En second plan, apparaît la prégnance des enjeux économiques. La situation des différents villages est différenciée, cependant la culture économique et commerciale des équipes est présente, l’optimisation des équipements (taux de remplissage) la qualité du service rendu à l’usager, la productivité et la notoriété sont des indicateurs qui obtiennent des appréciations très positives. Cette polarisation sur les axes du développement économique et social à son revers. En effet, les réalisations en matière de développement humain (conditions de travail, reconnaissance, formation) comme celles relatives au développement durable apparaissent faibles ou moyennes. Des efforts sont réalisés dans les deux domaines. Cependant elles ne sont pas intégrées dans les discours et les pratiques comme des références centrales. Ce sont deux axes de développement prometteurs.
Conclusion
En conclusion de cet article, nous pouvons souligner la qualité des ressources humaines, bénévoles et professionnelle, et l’intensité de leurs engagements. Cette mobilisation réelle et durable est fondée sur des valeurs partagés et un esprit convivial et amical. Notons aussi que la qualité des sites et des établissements est un atout de première importance. La capacité d’adaptation des équipes, l’appétence pour la formation et des actions collectives de mutualisation et d’échange de savoir constituent des potentialités à exploiter. Il faut considérer aussi le manque de lisibilité nationale du réseau du réseau fédéral et de ses actions et aussi une tendance à la fragmentation. L’affirmation d’une identité forte et communicable va dans le sens d’une meilleure reconnaissance de la contribution spécifique du tourisme social. La synergie des projets et des initiatives (promotion coordonnée et catalogues communs) est de nature à renforcer l’impact des politiques commerciales. L’utilité sociale et sociétale reconnue par les acteurs du réseau ne fait pas l’objet d’une reconnaissance par les pouvoirs publics en particulier et la population en générale. A partir de cette étude, il est possible de construire un argumentaire et de bâtir une démarche continue d’évaluation de l’utilité sociale et sociétale. Dans le contexte actuel, la reconnaissance du tourisme social nécessite un vigoureux travail d’interpellation des élus et des agents des collectivités publiques et aussi des partenaires historiques (CE, CAF) qui ont progressivement délaissé ce terrain. Un effort considérable est à accomplir pour mettre à niveau les villages vacances en matière de développement durable. Cela passe par des investissements lourds (HQE), le développement de compétences pointues et l’intégration systématique de cette dimension dans les pratiques et les produits. Plus que l’alignement sur les discours et les pratiques des acteurs dominants du tourisme, c’est probablement vers une différenciation explicite (non lucrativité, mixité sociale, démocratie, éducation) que le renouveau des villages vacances peut se structurer. Cette différentiation est aisément définissable à partir des valeurs et des principes de l’économie sociale et du développement humain durable.
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