La recherche partenariale et participative
Etude exploratoire des
programmes de recherche pour l’appropriation sociale des sciences (ASOSC) de la
région Bretagne (2008-2014)
Introduction
L’objet
de ce texte est de présenter les premiers résultats d’une recherche
exploratoire portant sur les programmes ASOSC (Appropriation sociale des
sciences) initiés par la Région Bretagne et d’apprécier leurs incidences sur la
manière penser des logiques participatives de production de connaissances répondant
à des objectifs d’utilité et d’appropriation sociétale. Dans cette perspective,
nous avons étudié les projets soutenus par la Région Bretagne au cours de la période
allant de 2006 (6 premiers projets soutenus) à 2014 (9 programmes en cours)
soit au total 47 programmes financés sur 3 puis 2 années sur la base d’une aide
régionale annuelle de 25000€ (puis à partir de 2012 une aide de 20000 €). Dans
une première partie, nous présenterons les principes généraux qui définissent
des modalités pratiques et structurelles de la recherche partenariale affirmant
une doctrine fondée sur une conception du développement du territoire passant
par la mobilisation conjointe des acteurs de la recherche et de la société
civile[1].
Nous le verrons, ces logiques de justification de l’action sont plurielles
associant des démarches d’engagement et de participation citoyenne, de
productivité sociale et économique, de formation des acteurs, de transfert des
résultats de la recherche dans une perspective classique et descendante de valorisation de la science vers les
applications concrètes. Ensuite, dans une deuxième partie, nous présenterons
les enseignements d’une première enquête menée auprès des porteurs de projets. Cette
enquête par questionnaire complétée par des entretiens et une lecture ciblée des
rapports de recherche nous permet d’apprécier le point de vue des « pilotes »
sur l’intérêt et les limites de ces programmes, sur les modalités de
construction de partenariat et le degré d’engagement et de participation
effective aux travaux de recherche. Nous serons également attentifs aux formes
de reconnaissance et d’appropriation des connaissances produites.
1-
Le programme ASOSC de la région Bretagne
1-
1- Présentation générale
Le premier appel à projet ASOSC de la Région Bretagne, inspiré par le
programme PICRI de la Région Ile de France qui le précède de deux années et les
travaux de la fondation Sciences Citoyennes, expose les principes généraux de
la politique régionale en la matière. Il s’agit pour la Région de bâtir un
partenariat structuré et structurant avec les principaux les acteurs
institutionnels de la recherche en Bretagne (Universités, Organismes publics de
recherche, Grandes écoles) pour promouvoir la production d’innovations scientifiques,
technologiques afin d’enrichir et amplifier les dynamiques de développement régional.
Ensuite, en référence au discours de Lisbonne de l’Union Européenne (2008), il
s’agit de contribuer à l’édification d’une société de la connaissance au moyen
de dispositifs d’appropriation sociale des sciences. Notons à ce propos, la
prise en compte de la vision européenne du développement économique et social
et la mobilisation d’un schéma de valorisation de la recherche allant de la
science vers la société. Car la « société » doit être accompagnée
dans ce processus de changement de paradigme. Autrement dit, la politique
publique se donne pour ambition de contribuer à la formation de la population
et son adaptation aux enjeux d’une économie mondialisée. Mais à cette vision
classique de la transmission des connaissances vers des applications
technologiques et sociétales, les rédacteurs de l’appel à projet ajoutent une
autre dimension, plus novatrice, qui reconnaît des formes nouvelles d’expertise
portées par des acteurs de la société civile.
Ces acteurs, associations, syndicats, groupes de citoyens, « éparpillés »,
« disposant de peu de moyens » constituent à partir de leur
mobilisation autour des enjeux du quotidien , progressivement, un « tiers
secteur scientifique» qui doit trouver sa place auprès du secteur public
de la recherche et celui de la recherche privée des entreprises. La Région
Bretagne entend soutenir financièrement des recherches à forte utilité sociétale
portant sur des problèmes de nature sociale, culturelle, économique ou environnementale,
et progressivement appuyer la structuration de ce nouveau secteur en émergence.
A partir d’un partenariat formalisé entre un ou plusieurs laboratoires et un ou
plusieurs représentants de la société civile, il s’agit de concevoir et d’expérimenter
des programmes de recherche à dimension participative portant sur des enjeux
sociétaux afin d’explorer par l’effort de recherche et de mobilisation
collective des réponses aux problèmes traités.
Le nouvel appel à
projet publié en 2012 confirme cette orientation générale. De plus, la démarche
est « encensée » par le CESER qui souligne : « Dans son
auto-saisine « Appropriation sociale et mise en débat des sciences et
technologies en Bretagne. Une approche prospective » rendue publique le 12 mars
2012, le Conseil Economique Social et Environnemental Régional (CESER) a
identifié l’appropriation des sciences et des technologies par les citoyens et
les acteurs sociaux comme un enjeu fondamental du développement durable et équilibré
des sociétés dans les décennies a venir. L’appropriation sociale des sciences
constitue une réalité en Bretagne, qui s’appuie aussi bien sur un secteur de la
culture, scientifique, technique et industrielle (CSTI) ancrée sur les territoires
depuis de nombreuses années que sur une dynamique plus récente de développement
de projets de recherche-action associant équipes de recherche et acteurs de la
société civile. Convaincue du rôle indispensable des sciences dans la formation
des citoyens et dans la compréhension et la résolution des problématiques,
grandes ou petites, qui se posent aux territoires, la Région Bretagne entend
poursuivre son soutien à ces activités, et ainsi contribuer à la pérennisation
de nouveaux modes de coopération entre institutions scientifiques et acteurs de
la société civile où seront privilégiées l’innovation ascendante et la
coproduction des savoirs ».
Les acteurs régionaux reconnaissent ainsi
l’intérêt des démarches de recherche-action, ce qui est rarement le cas dans le
champ académique, car elles permettent d’associer une pluralité d’acteurs
autour d’enjeux partagés. Ce nouvel appel à projet sera pourtant « gelé »
en 2014 pour des raisons difficiles à identifier (Raisons budgétaires ?
Besoin d’évaluation ? Renforcement des logiques d’excellence et de compétitivité ?).
Deux importantes modifications seront apportées contrariant ainsi toutes les
recommandations portées par les acteurs et les chercheurs engagés dans ces programmes.
La première est la diminution de l’aide de 25000€ à 20000€. La seconde, la
diminution de la durée de financement de 3 ans à 2 ans. De plus, les domaines
de recherche visés sont présentés de manière plus précise : « La Région Bretagne souhaite soutenir
la mise en œuvre de programmes de recherche-action ayant pour but de traiter
des problématiques élaborées en réponse à des besoins et des enjeux sociétaux
(problématiques de nature sociale, culturelle, économique ou environnementale),
notamment dans les domaines suivants : développement territorial (stratégies et
indicateurs de développement, processus de mobilisation, cohésion, etc.) ;
jeunesse ; économie
sociale et solidaire ; environnement et agriculture durable ; santé
publique, prévention, nutrition ; hybridations arts-sciences ; usages
numériques (appropriation, licences ouvertes, etc.) . » Si les acteurs
de la société civile (associations, syndicats, groupes de citoyens-nes) sont
bien ciblés, le programme s’ouvre aussi aux collectivités locales et aux structures
de médiation scientifique.
En conclusion de cette présentation
générale, nous pouvons considérer que les promoteurs du programme ASOSC inspirés par des
initiatives analogues (PICRI[2]
Ile de France, ARUC[3] Québécoises)
et sensibles à l’argumentation d’acteurs de la société civile (Fondation
sciences citoyennes), mais aussi des discours de l’Union Européenne,
apparaissent en phase avec des chercheurs qui prônent une recherche de plein
air qui se déploierait en référence à une conception particulière de l’action
publique territorialisée. Il s’agit en effet de mobiliser, par une gouvernance
participative et partenariale, les « forces vives » de la Région en
facilitant l’hybridation des logiques et des savoirs et en renforçant le développement
économique, social, durable.
1-2- Les caractéristiques
des 47 programmes financés par la Région Bretagne
Qui est à l’initiative,
qui gère ?
Graphique 1- Répartition
des structures gestionnaires d’un programme ASOSC par statut
Commentaires : Les programmes ASOSC
sont principalement gérés par les laboratoires des 4 Universités Bretonnes (R2,
R1, UBS, UBO), d’établissements d’enseignement et de recherche (Inra,
Agrocampus, Cémagref, EHESP) (20) ou des associations oeuvrant dans des
domaines variés (environnement, intervention éducative et sociale, culture
scientifique, développement local et culturel (18). Ensuite, nous pouvons
recenser 3 établissements para-publics (Espace des sciences des Champs Libres à
Rennes, Maison Internationale de Rennes, Agence des Aires Marines protégées) ;
des Collectivités publiques engagées dans le développement local (Pays d’Auray,
Pays de Guingamp, Iles du Ponant) et enfin des groupements professionnels
(FRCivam, Fédération des comités des pêches, Fédération des agrobiologistes).
Quels sont les domaines
d’investigation ?
Graphique 2 – Domaines
d’investigation
Commentaires : Les questions
relatives aux enjeux environnementaux (12) et à la qualité de l’alimentation
(12) sont les domaines d’études principaux. Viennent ensuite, les travaux traitant
de questions éducatives et sociales (9) et des travaux originaux portant sur de
nouvelles approches de la recherche, de la participation et de l’évaluation (9).
Enfin, notons l’intérêt relatif (7) pour les questions de développement local
et culturel.
Illustrations :
1- Préserver l’environnement naturel et
humain : Qualité de l’eau dans l’estuaire de l’Odet (Agrocampus) ; Le
cormoran huppé sentinelle du Mor Braz (SEPNB) ; Filière nautique durable
(ECONAV-Association Navigatio)
2- Concevoir et produire une alimentation
saine et une consommation responsable : Systèmes alimentaires
territorialisés (FRCIVAM) ; Systèmes alimentaires durables en restauration
collective (AGROCAMPUS) ; Diversité du maïs (Agrobiologistes de Bretagne) ;
Consommation collaborative (DYTECO, Colporterre)
4- Penser le développement territorial :
Développement des Iles du Ponant (ID-ILES) ; développement culturel
(Articulteurs) ;
5- Concevoir de nouveaux instruments d’analyse
et d’action : Indicateurs de bien être territorialisé (ISBET, PEKEA) ;
Séminaire d’exploration des controverses (Petits débrouillards) ;
Laboratoire social de recherche-action (Collège Coopératif) ; L’habitat
participatif (H2HP2, LABERS).
Graphique 3 : Discipline de référence des projets
Commentaires : Sous réserve d’une
lecture plus fine de la structuration des partenariats, notons l’importance de
la référence aux sciences de la nature (biologie, agronomie) ce qui s’explique
par l’orientation thématique dominante sur des enjeux de développement durable
et de protection de l’environnement. Ensuite, nous constatons une forte
mobilisation des laboratoires SHS dans leur diversité disciplinaire avec une prédominance
de la sociologie.
2- L’expérience rapportée
des « pilotes » de ces programmes
2-1-L’intérêt, les limites
Les répondants, initiateurs et pilotes de ces programmes, s’accordent
sur l’intérêt des recherches partenariales car elles offrent l’opportunité de
mobiliser, d’engager, d’associer une pluralité d’acteurs autour d’un objet
commun. Il s’agit de rapprocher des mondes sociaux et d’expérimenter des
processus de co-élaboration de méthodes de recherche-action présentant à la
fois un intérêt scientifique et une pertinence au regard des enjeux et des épreuves
qui mobilisent les acteurs de la société civile. La recherche partenariale est
aussi pensée comme une alternative aux recherches académiques, d’une part, et
aux recherches privées motivées par des enjeux économiques, d’autre part. Ainsi
s’affirme l’idée d’une troisième voie permettant d’explorer de nouveaux champs,
de mettre à l’épreuve de la démarche scientifique de nouvelles idées. Notons
les références à l’ouverture, au décloisonnement, à la réflexivité.
Le programme ASOSC
structure des partenariats formalisés qui impliquent nécessairement des acteurs
aux profils variés, chercheurs, animateurs de réseaux, élus et militants,
professionnels et usagers, qui vont répondre à cette offre de recherche
participative en apportant leurs expériences, leurs connaissances sans se défaire
complètement au cours du processus de recherche de leur statut particulier et
des enjeux qui lui sont attachés. Autrement dit, la recherche partenariale et
participative créé un cadre propice à la formation d’un mouvement de
contribution / appropriation guidé par l’identification d’un bien commun et la
conciliation progressive et aléatoire de logiques et de temporalités diversifiées.
La question de la durée
du programme apparaît aux promoteurs une dimension centrale car la constitution
d’une équipe ou d’un réseau, la mise en œuvre d’une démarche participative d’élaboration
d’une problématique commune associant chercheurs professionnels et spécialistes
militants et professionnels du domaine étudié nécessite un temps d’apprentissage
collectif conséquent. De plus, deux temporalités apparaissent en contradiction
dans l’analyse du processus de recherche. Le temps long de la recherche qui
passe par la mobilisation d’une démarche rigoureuse de construction d’un
questionnement, de cueillette et d’analyse des données, puis d’analyse
approfondie et enfin de formalisation. Le temps court de l’action et des évènements
façonnés par les enjeux de la production immédiate et la recherche d’efficience
et de résultats concrets.
Par ailleurs, la
recherche permet d’enrichir les partenariats, de prendre du recul à l’égard des
pratiques habituelles et de créer les conditions d’une appropriation des
connaissances produites. Le format partenarial, la dimension régionale
et la durée relativement courte du soutien financier constituent et situent les
programmes ASOSC à un niveau intermédiaire entre les études locales délimités
et ciblées, initiées le plus souvent par les collectivités publiques et les
programmes de portée plus générale soutenus par l’Agence Nationale de la Recherche
ou encore l’Union Européenne (H2020). Cette notion de moyenne portée est probablement
inspirée par la référence aux « théories de moyenne portée » de Robert
K MERTON (R K MERTON, 2001). Nous pouvons ainsi avancer l’idée que les
programmes ASOSC produisent des connaissances et des modèles théoriques de
niveau intermédiaire à la fois ancrées (GLAZER, STRAUSS, 2010) au local (En ce
qui concerne le programme ISBET : Canton de Pipriac et communauté de
communes du Val d’Ile) et ouverte sur l’universel scientifique, ce que permet
la communication scientifique internationale (Le programme ISBET, qui porte sur
les indicateurs de bien être, a été primé lors d’un colloque international en
Corée du Sud). Cette position intermédiaire est particulièrement intéressante
car elle laisse entrevoir des opportunités d’articulation entre logiques et
niveaux territoriaux. Malheureusement (pour le moment ?), la
capitalisation et la transversalité des programmes n’est pas systématisée ce
qui laisse apparaître à l’observateur que le programme ASOSC est une collection
de programmes expérimentaux originaux mais peu visibles, peu valorisés, peu évalués.
2-2-Les difficultés rencontrées
Si les promoteurs de ces programmes sont convaincus de l’intérêt des
recherches partenariales et en sont devenus des militants voire des experts,
leur capacité d’analyse critique fondée sur une expérience pratique effective
permet de souligner les principales difficultés rencontrées. Tout d’abord, nous
l’avons déjà évoqué les difficultés naissent de problèmes de temps et d’argent.
La durée nécessaire à la construction de partenariats solides et crédibles est
largement supérieure aux 2 ou 3 années de financement. Il faut ajouter le temps
d’ingénierie et de construction de partenariat qui n’est pas financé, ni le
temps de rédaction des rapports ou encore le temps de l’écriture de
valorisation et de la communication qui est rarement intégré au programme et
financé. Cette situation provoque
des situations d’incertitude et de fragilité pour les petites structures
associatives qui se trouvent confrontées à des exigences de production (de
rapports, de budgets) qu’ils ne maîtrisent pas toujours. Pour d’autres, c’est
la course aux financements et l’inscription dans un cercle périlleux et aléatoire
de la réponse à de multiples appels à projet afin de pérenniser des activités
et des emplois. Si le programme ASOSC offre des opportunités, il produit aussi
de la précarité et de l’incertitude.
Du côté des laboratoires de recherche, rompus à la gestion de
programmes complexes, la difficulté est d’une autre nature. D’une part, l’ouverture
à un partenariat élargi se traduit par une répartition des subventions entre
les partenaires alors que les enveloppes sont restreintes. Ensuite, l’animation
de dispositifs participatifs est chronophage et les chercheurs mobilisés par de
multiples tâches (enseignement, recherche académique, taches administratives) n’ont
pas toujours la disponibilité pour honorer un engagement partagé. Se dessine alors
de manière insidieuse une division du travail entre « petites mains »
et « direction scientifique » allant à l’encontre du principe d’égalité
citoyenne revendiquée.
Le
retour sur expérience exprimé par les chefs de projet ayant répondu à notre
enquête permet d’entrevoir plusieurs perspectives d’amélioration du dispositif.
Tout d’abord, il apparaît nécessaire de prendre en considération le temps nécessaire
à la mobilisation et à la structuration d’un système ou réseau de recherche
participative et d’appuyer ces trois phases (1- Ingénierie et co-construction ;
2- mise en oeuvre du programme de
recherche ; 3- Formalisation des résultats, diffusion et appropriation)
par un soutien technique mais aussi en aménageant des temps de concertation entre
responsables de projets et de mutualisation des expériences conduites. Bref, proposer
une animation scientifique du dispositif.
Ensuite,
la recherche partenariale et participative doit pouvoir bénéficier d’un espace
public de valorisation et de reconnaissance. La mise en réseau des chercheurs
et des acteurs, la création d’une « vitrine numérique » portail des réalisations,
la connexion avec d’autres initiatives…sont autant d’outils utiles à la
structuration durable de nouvelles alliances entre laboratoires de recherche,
collectivités publiques et acteurs de la société civile.
2-3-La construction du
partenariat et l’expérimentation de méthodes participatives
Les démarches partenariales et participatives de
recherche vont se constituer à partir de l’identification d’un « objet-enjeu »
aux capacités mobilisatrices. Autrement dit, par la définition et la délimitation
d’un objet de recherche constituant non seulement un défi scientifique de
production de connaissances partagées mais cette objet est aussi considéré pour
son utilité sociétale et sa capacité de mobilisation et de transformation
sociale. Ainsi d’un point de vue épistémologique et méthodologique, la recherche
partenariale et participative entremêle systématiquement des logiques de
recherche et d’action associant de manière spontanée ou plus aléatoire des
acteurs aux connaissances, compétences, intérêt diversifiés. La médiation d’outils
et de méthodes participatives est sensée produire les ajustements nécessaires
entre ces logiques de construction d’un bien commun autour d’une représentation
partagée de l’enjeu identifié par les acteurs promoteurs et leaders de la
recherche.
La complexité de la démarche est donc
identifiable à partir de différents niveaux de problèmes. Tout d’abord, il s’agit
de s’accorder sur une représentation consensuelle et partagée de la situation
observée et vécue et de l’enjeu de
transformation (des idées, des pratiques) qu’il est nécessaire de
promouvoir. A ce niveau de définition des orientations générales qui
structurent les programmes nous identifions l’importance de la référence à des « méta-concepts» suffisamment malléables
et pour constituer des supports de mobilisation et d’adhésion d’un large panel
d’acteurs qui vont se retrouver sur ces notions générales en investissant concrètement
leur adhésion à des valeurs et des principes d’action qui font sens commun. Ainsi,
dans une société de la connaissance, structurée en réseaux de communication et
d’action plus ou moins territorialisées, les initiatives de transformation
sociale portées par des acteurs de la société civile sont fortement inspirées
par la diffusion de nouvelles manières de penser et d’agir. Elles sont aussi façonnées
par la conduite d’expérimentations situées dans des territoires et des réseaux.
2-4- Des processus d’engagement et de
structuration de l’action
Ensuite, il s’agit de mobiliser les moyens humains et matériels pour mettre à l’épreuve
de l’expérimentation et de la production de connaissances cette représentation
consensuelle d’un autre monde à construire. La structuration du programme
autour d’un premier cercle associant des acteurs professionnels et militants et
des chercheurs professionnels constituant ainsi le groupe pilote et moteur du
programme. Ensuite, le groupe promoteur et initiateur de l’action va déployer
différentes initiatives permettant de constituer un deuxième cercle d’enrôlement
d’acteurs à partir de réseaux constitués ou en cours de constitution sur la
base d’un premier niveau d’interconnaissance et de réalisations communes. Les
programmes ASOSC sont rarement initiés à partir de structures partenariales inédites.
Elles reposent généralement sur la mobilisation d’acteurs identifiés, qui se
connaissent, se reconnaissent et aiment travailler ensemble. Aussi, nous
pouvons considérer que si la logique de construction de partenariat est stratégique
car il s’agit de réunir des compétences utiles à la réussite de l’entreprise,
les relations interpersonnelles comptent et orientent les modalités de mise en œuvre
et de régulation. Enfin, une troisième cercle se constitue de manière aléatoire en prenant appui
sur les territoires et les réseaux du programme. Différents outils d’information,
de sensibilisation, d’implication son mobilisés afin de partager largement la démarche
entreprise et la faire reconnaître par un large public.
Aux côtés des approches classiques de la
recherche académique (problématisation à partir de la mobilisation de cadres théoriques
situés en référence aux disciplines des laboratoires impliqués, recherche
bibliographique, enquête, analyse des données et publication des résultats,
reconnaissance académique) apparaissent de nouvelles pratiques d’animation de
la recherche fondées sur le croisement des savoirs, l’hybridation des logiques,
l’expérimentation de nouveaux formats collaboratifs et pédagogiques. Atelier
coopératifs, de réflexivité, forum d’appropriation, écriture collaborative
(wiki) illustrent un effort de dépassement des formes traditionnelles du
travail scientifique. Il s’agit bien d’inventer des méthodes participatives
permettant de valoriser les acteurs en prenant en compte la richesse et la
diversité de leurs expériences et connaissances pour contribuer à la
construction collective d’une pensée critique et la partager au plus grand
nombre. Ainsi ces démarches sont participatives dans leur conception et leur
mise en œuvre, elle contribuent aussi par leurs expérimentations et réalisations
à engager des processus de démocratisation des pratiques de recherche et leur
appropriation par les acteurs. Notons à ce propos, l’importance des médiateurs,
animateurs de réseaux et de programmes, pédagogues de la recherche
participative qui possèdent une capacité à organiser de manière concrète et
effective un dialogue constructif entre acteurs situés de manière classique par
leur statut, leur mandat, leur appartenance sociale et professionnelle.
La recherche partenariale et participative offre
l’opportunité de bâtir des espaces publics d’échange et de délibération qui sont
propices au dépassement de clivages statutaires, corporatistes, idéologiques. Cependant
et nous l’avons déjà évoqué, la recherche partenariale associe dans un espace
temps négocié des acteurs aux logiques et aux contraintes temporelles diversifiées.
Cette hétérogénéité des publics associés par la recherche partenariale et
participative n’est pas sans susciter des incompréhensions, des ruptures, des
conflits qui compromettent la concrétisation d’une approche consensuelle de l’utilité
sociale de la recherche.
La valorisation des connaissances produites obéit
à trois logiques complémentaires. La première est motivée par la contrainte de
la contractualisation du financement régional. Il s’agit de rendre des comptes à
partir d’un format déterminé d’évaluation administrative et comptable de l’action
au regard du règlement applicable à ce type de subventionnement. Les rapports
de recherche sont associés à ce bilan administratif et comptable mais ils ne
sont pas rendus visibles par le financeur principal. La plupart des
responsables de programmes interrogés regrettent de n’avoir bénéficié d’aucun
retour sur le fond des recherches conduites. Ensuite, les travaux qui font systématiquement
l’objet d’un effort d’écriture et de diffusion. Ils sont valorisés à différentes
échelles et au moyen de supports diversifiés. Notons la rédaction de textes
scientifiques et de supports de communication dans des colloques scientifiques
locaux, nationaux, internationaux ; la présentation des réalisations à l’occasion
d’évènements collectifs (Assises, Salons, Forums) qui constituent des espaces d’échanges
et d’appropriation de connaissances et d’outils pédagogiques permettant de
sensibiliser un large public.
Conclusion
Pour
conclure brièvement, nous pouvons considérer que les programmes ASOSC
constituent de véritables opportunités pour concevoir et expérimenter de
nouvelles manières de penser les relations entre les laboratoires et les
acteurs de la société civile autour d’enjeux définis démocratiquement. Ces
nouvelles alliances n’enlèvent rien à la dimension agonistique du débat public,
ni à la virulence des controverses scientifiques, elles offrent une possibilité
utile et complémentaire de développer des approches critiques et réflexives d’enjeux
de sociétés éclairés par un effort partagé de recherche.
[1] Nous
définissons la société civile comme l’ensemble constitué de mouvements et
organisations (associations, syndicats, partis, collectifs) qui de manière
libre et distanciée à l’égard du marché et des institutions, développent une
lecture critique de la société et se mobilisent pour la transformer.
[2] PICRI :
Partenariats
Institutions-Citoyens pour la Recherche et l'Innovation
[3] ARUC :
Alliance Recherche Université Communauté
[1] Nous
définissons la société civile comme l’ensemble constitué de mouvements et
organisations (associations, syndicats, partis, collectifs) qui de manière
libre et distanciée à l’égard du marché et des institutions, développent une
lecture critique de la société et se mobilisent pour la transformer.
[2] PICRI :
Partenariats
Institutions-Citoyens pour la Recherche et l'Innovation
[3] ARUC :
Alliance Recherche Université Communauté
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